"Je sais bien que la littérature et la philosophie d'aujourd'hui se méfient des « belles âmes » et préfèrent les salauds. Je sais bien que l'histoire d'aujourd'hui ne s'intéresse guère qu'aux statistiques, aux courbes des prix, à l'action des masses et qu'elle ne retient, à la rigueur, que les noms de ceux qui ont contribué à changer le monde. Rossel n'a rien changé. Il a échoué sur tous les plans : national et révolutionnaire. Il n'a sauvé que sa conscience."
~ Edith Thomas, Rossel, Paris, Gallimard, 1967.
Lorsqu'un ami très cher m'a offert l'ouvrage susmentionné, je ne me doutais guère que sa lecture dépasserait à ce point mes attentes. Le verbe est à la fois concis et ciselé, et la trame narrative laisse une grande place aux écrits de Louis-Nathaniel Rossel lui-même, plus précisément à sa correspondance avec ses parents et sa soeur Isabella. Des échanges épistolaires à la fois tendres, drôles, profonds et amers. A l'image du colonel.
Le délégué à la guerre de la Commune fut illégalement passé par les armes avec Ferré et le sergent Bourgeois, le 28 novembre 1871, au poteau de Satory.
L'on écrivit une complainte en hommage à ce grand homme de foi, ce révolutionnaire effronté, ce jeune homme insolent qui — chose rare — avait les moyens de son insolence. Selon E. Thomas, les auteurs de cette complainte sont Naquet (Alfred, sans nul doute), Louis Blanc, Rochefort et... Victor Hugo. La voici.
La Complainte de Rossel
Il n’avait pas trente ans, le cœur plein d’espérance
Plein de patriotisme et d’abnégation,
Quand les bourreaux français tranchèrent l’existence
De ce grand citoyen, de ce fier champion.
[Refrain] C’est pour la Commune égorgée
Qu’il est mort frappé par la loi.
Ô Rossel, mon enfant, ta mort sera vengée,
Ô martyr, dors en paix, dors en paix,
La France pense à toi.
On l’a fait fusiller comme un coupable infâme,
Comme s’il eût commis des crimes inouïs,
Ce fier vaillant soldat qui n’avait dans son âme
Que trop d’amour, hélas ! pour son pauvre pays
Il est mort glorieux pour le salut du monde,
Comme le Christ est mort par la main des bourreaux.
Mais son sang généreux vivifie et féconde
Le droit de liberté qu’il défendait si haut.
La République était son amante adorée,
Pour elle, il a donné sa jeunesse et son sang.
Les Français en émoi, la France déchirée
Pleurent avec nous ce fils, pleurent cet innocent.
Adieu, mon fils, adieu. Ton immense infortune
Laisse dans notre cœur un immortel regret.
Mais si le peuple un jour refaisait la Commune,
C’est au nom de Rossel qu’il se soulèverait.