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  • : Le Blog de Mancino
  • : Il fut un temps où le coeur du Quartier Latin battait sous les sabots des Communards déchaînés. Il fut un temps où le Vème Arrondissement de Paris était le terreau de toutes les révoltes prolétariennes, toujours parmi les premiers à dresser des barricades. Il fut un temps où Paul Verlaine s'éteignait miséreux, entouré de prostituées et de bouteilles d'absinthe, dans son taudis de la Rue Descartes. Il fut un temps où les Sorbonnards ne se contentaient pas de quelques slogans simplistes et de manifestations encadrées, mais rêvaient de changer le monde à grands coups de pavés. Malheureusement, si l'on se présente aujourd'hui en tant qu'"habitant du Vème" - ou plus généralement du centre de Paris - les railleries fusent immédiatement. A l'index du catalogue social populo-médiatique, nous voilà hissés au rang de "bourgeois". Pire ! de "bourgeois-bohème"... L'esprit excessif de synthèse de notre quatrième pouvoir national, attisé par un antiparisianisme grandissant, a taillé à coups de serpe la Ville Lumière afin de distinguer trois zones nettes et hermétiques : les riches à l'Ouest, les pauvres à l'Est, et les "bobos" au Centre. Il suffit pourtant de parcourir les enquêtes sociologiques, ou plus simplement d'arpenter les ruelles du "ventre de Paris" pour découvrir une réalité bien différente des clichés habituellement véhiculés. Certes, il serait inopportun de comparer le Marais ou Saint-André-des-Arts à la Goutte d'Or, et encore moins au portrait dépeint par Eugène Sue dans Les Mystères de Paris. Il suffit cependant de se promener Rue Mouffetard pour croiser des lycéens lisant du Sartre en roulant leur cigarette, de débouler Place Saint-Médard pour danser la java à l'heure de la messe dominicale, d'errer sur les quais de la Seine pour assister au spectacle de dizaines de saltimbanques, des peintres aux cracheurs de feu... Il suffit de se rendre sur les marchés pour entendre la gouaille parisienne qui a fait la réputation d'Audiard, Gabin et Renoir. Quoi que la vox populi en dise, Paris a conservé son âme d'antan, cette rage de vivre et de rêver, qui se transmet par les effluves de Gitanes et le son de l'accordéon. Certes, les ouvriers l'ont déserté, mais les étudiants, les intellectuels, les artistes et les vagabonds sont toujours là, prêts à prendre la relève et à assumer une identité qu'ils s'approprient un peu plus de jour en jour. Quant à notre supposée richesse matérielle, elle s'effondre sous le poids de quatre constats : celui du prix de l'immobilier couplé au taux de locataires et à la surface par habitant, auquel on ajoute un coût de la vie amplement supérieur pour les mêmes produits, notamment en raison du volumineux afflux touristique. Ainsi, alors que les revenus des Parisiens sont relativement supérieurs à la moyenne nationale, leur niveau de vie est sensiblement... inférieur ! Le constat global est donc posé, et il sera sans cesse affiné au fil du temps. Vous l'aurez compris, cette page prendra la forme d'une tribune populaire, politiquement marquée et partisane à souhait ; souvent arrogante, parfois de mauvaise foi. Bien que son auteur est un judéo-bolchévique internationaliste convaincu, ce blog sera avant tout identitaire. Nonobstant son caractère a priori fascisant, l'adjectif "identitaire" se devra d'être interprété au sens parisien du terme : celui d'une ville qui a forgé son histoire dans le creuset de l'immigration : des premiers Juifs ashkénazes établis au XIIIème Siècle autour de la Rue des Rosiers jusqu'aux nouveaux arrivants d'Asie de l'Est et d'Afrique subsaharienne, en passant par les Bretons et les Auvergnats, Paris a bâti SON identité sur LES identités. L'identité parisienne, c'est donc l'Universel réuni au sein d'une communauté composite et propice aux mélanges. Pour preuve, on peut citer le taux de Parisiens nés hors de la France métropolitaine, qui atteint les 20%. Mais c'est l'argot lutécien - et notamment ses variantes modernes - qui illustre le mieux ce melting-pot : sans aucun fondement étymologique déterminé, cette langue verte à la structure unique au monde s'est développée sur un schéma binaire, mêlant trouvailles poétiques et agrégation de racines provinciales ou étrangères. Appelé "tête de veau", "tête de chien", "Parisieng", ou plus simplement "enculé" selon les régions qu'il traverse, le Parisien est une créature incomprise et mal-aimée. Puisse ce modeste blog contribuer à lui rendre ses lettres de noblesse...
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« Être Valentinois c'est être natif de Valence, Dracénois de Draguignan, Briochin de Saint-Brieuc... Mais être Parisien ce n'est pas être né à Paris : c'est y renaître ; et ce n'est pas non plus y être, c'est en être ; et ce n'est pas non plus y vivre, c'est en vivre... Car on en vit, et on en meurt. Être de Paris ce n'est pas y avoir vu le jour ; c'est y voir clair. On n'est pas de Paris comme on est de Clermont mais on est de Paris comme on serait d'un cirque. On est élu Parisien, élu à vie. C'est une dignité. C'est une charge aussi : on doit être à ses ordres, à sa dévotion quand Paris vous a fait l'honneur de vous admettre. Aimer Paris rend orgueilleux, car il vous devient à ce point nécessaire qu'on arrive à croire qu'on peut lui être utile. »
Sacha Guitry

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« Il n'y a que deux sujets de chansons possibles : l'amour et Paris ! » Jacob Gershowitz
Petit lecteur de chansons parisiennes (ou qui mériteraient de l'être)
Appuyez sur "play" et laissez-vous bercer...

L'auteur

L'auteur de ce blog est né en l'an de grâce 1990 dans le département des Alpes-Maritimes. Tout le prédestinait alors à acheter ses premières RayBan à quinze ans, à voter UMP à dix-huit, et à monter son agence immobilière à vingt.
Fort heureusement, dès 1993, ses géniteurs décidèrent de l'éloigner de la garrigue provençale pour l'habituer à l'air pur de la banlieue lutécienne, avant de "monter à Paris" deux ans plus tard. Peu à peu, il s'est habitué à la Capitale, pour finalement l'adopter comme elle l'a elle-même adopté.
Hélas ! vingt ans, c'est bien assez de temps pour voir dépérir une Capitale. Baudelaire le regrettait déjà en son temps : "Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville / Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel)".
Quand Paris se fait trop laide, quand les godelureaux se font trop bruyants, l'auteur vient vidanger sa bile en ces lieux.
3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 02:46

Ceci n'est pas un poème. Un poème, c'est beau et bien agencé. Ça, c'est au mieux une expectoration.

 

 

Sont-ce encore ma Rue, mon Quartier, ma Ville ?

Les dernières Gauloises s'éteignent, le gandin prolifère.

Le bar-tabac n'est plus enfumé ni ronflant,

Il n'est même plus kabyle.

Le primeur a fermé. Les primeurs ont fermé.

Les fripiers pullulent ; la bourgeoise est ravie.

 

Mes voisins ne raclent plus les "R", ils font traîner les syllabes.

Il paraît que c'est ça, maintenant, l'accent parisien : parler avec son tarin

Et puis faire des manières.

 

Jussieu a fait des petits : à Cardinal, l'Hôtel Lebrun

N'est plus le seul particulier du coin.

Il y a désormais l'étron P.A.P.

Une belle bouse de verre et d'acier.

Moderne et dynamique.

-- Eh, qui a dit que Paris était une ville musée ?

 

Sont-ce encore ma Rue, mon Quartier, ma Ville ?

L'autre jour, un touriste m'a pris en photo.

En loucedé, comme ça, sans prévenir.

Sans même porter l'appareil à son l'oeil.

Il est passé devant moi, le Kodak au nombril.

Clic-clac.

Faut croire que j'ai une gueule folklorique.

 

Sont-ce encore ma Rue, mon Quartier, ma Ville ?

Mes amis partent

Ou partiront.

Je n'ai pas fait médecine, ni HEC ;

Je partirai donc aussi

Chassé par des Russes, des Saoudiens, des Chinois.

Ils vivront chez moi deux jours par an

Pour une escale d'avion

Ou pour montrer à leurs chiards la ville de Balzac et Hugo,

Leur raconter qu'entre ces murs

Vécurent des misérables

Jadis.

 

Il n'y a plus guère de poulbots.

Il n'y a plus guère de gavroches.

Il n'y a plus guère d'apaches.

Il n'y a plus guère de mannezingues.

Il n'y a plus guère de camelots.

Il n'y a plus guère de bougnats.

Il n'y a plus guère d'argot.

 

Il n'y a guère plus que quelques personnages, çà et là,

Quelques éclats faubouriens, quelques enseignes trompe-la-mort,

Quelques bonshommes et quelques pierres

Qui agonisent sur le pavé,

Lentement,

Un morose sourire aux lèvres.


Il n'y a plus qu'une coque sublime

Et d'anachroniques clandestins.

 

Heureux qui comme Rigault est mort avec sa cause.

A l'angle de Gay-Lussac et de Royer-Collard

Son fantôme plane toujours.

Raoul, vois-tu comme il est triste de survivre à ce qu'on aime !

Comme il est navrant de chérir ce qu'on n'a point connu...

Et pourtant il faut vivre

Le cœur gonflé de haine.

 

Sont-ce encore ma Rue, mon Quartier, ma Ville ?

Il est trois heures du matin, Paris n'est point éveillé.

Paris ne s'éveillera plus.

Il a une balle de sergot fichée au fond du crâne.

 

http://www.parisrues.com/imagesold/05/051ruemouffetard03.jpg

La Mouffe vers 1900... Carte postale tirée de l'excellent site www.parisrues.com

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 23:51

 

La "règle d'or" (ou comment donner un nom pompeusement mélioratif à une réforme dite d'"austérité") est adoptée. Une couleuvre de plus pour les électeurs de gôche, dont une bonne partie ira se défouler en votant prochainement pour le rhéteur sans idées Mélenchon ou pour la bande de hippies cosmopolites de Besancenot.
Avant de rentrer dans les rangs "socialistes" dans quelques années, convaincue par
un P"S" se targuant à nouveau d'un programme économique vraiment différent de celui de la droite.


Blanqui.jpgUn an après le massacre des derniers défenseurs de Paris, Louis-Auguste Blanqui écrivait L’Éternité par les astres1. Le vénérable vieillard écrivait son dernier grand texte, dans sa dernière prison. Ce chef d'oeuvre cosmologique et théologique pré-dessinait le futur concept nietzschéen d'éternel retour. Encore huit ans plus tard, alors que les socialistes
les vrais n'ont pas toujours pas fait le deuil de la Commune, c'est la sempiternelle victoire de la bourgeoisie qui est chantée par Pottier, avec son personnage de Jean Misère.

En voyant les électeurs de gauche d'aujourd'hui, nul doute que ce bon Eugène clamerait encore :

"Ah ! mais...
Ça ne finira donc jamais...
Ça ne finira donc jamais..."
.
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1 Le texte intégral ici.
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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 02:28

 "Étant entendu que le monde moderne est une horreur absolue, il ne reste plus qu'à cracher dessus.

 

Ce doit être pour cela que la Providence m'a fait phtisique..."

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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 18:42

"C'est quand même dingue : les ceusses qui causent le plus de tolérance, c'est les premiers qui t'insultent quand t'es pas d'accord avec eux."

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 15:42

"Je sais bien que la littérature et la philosophie d'aujourd'hui se méfient des « belles âmes » et préfèrent les salauds. Je sais bien que l'histoire d'aujourd'hui ne s'intéresse guère qu'aux statistiques, aux courbes des prix, à l'action des masses et qu'elle ne retient, à la rigueur, que les noms de ceux qui ont contribué à changer le monde. Rossel n'a rien changé. Il a échoué sur tous les plans : national et révolutionnaire. Il n'a sauvé que sa conscience."

 

~ Edith Thomas, Rossel, Paris, Gallimard, 1967.

 

Lorsqu'un ami très cher m'a offert l'ouvrage susmentionné, je ne me doutais guère que sa lecture dépasserait à ce point mes attentes. Le verbe est à la fois concis et ciselé, et la trame narrative laisse une grande place aux écrits de Louis-Nathaniel Rossel lui-même, plus précisément à sa correspondance avec ses parents et sa soeur Isabella. Des échanges épistolaires à la fois tendres, drôles, profonds et amers. A l'image du colonel.

 

louis-rossel.jpg

 

Le délégué à la guerre de la Commune fut illégalement passé par les armes avec Ferré et le sergent Bourgeois, le 28 novembre 1871, au poteau de Satory.

 

L'on écrivit une complainte en hommage à ce grand homme de foi, ce révolutionnaire effronté, ce jeune homme insolent qui — chose rare — avait les moyens de son insolence. Selon E. Thomas, les auteurs de cette complainte sont Naquet (Alfred, sans nul doute), Louis Blanc, Rochefort et... Victor Hugo. La voici.


 

La Complainte de Rossel

 

Il n’avait pas trente ans, le cœur plein d’espérance
Plein de patriotisme et d’abnégation,
Quand les bourreaux français tranchèrent l’existence
De ce grand citoyen, de ce fier champion.

 

[Refrain] C’est pour la Commune égorgée
Qu’il est mort frappé par la loi.
Ô Rossel, mon enfant, ta mort sera vengée,
Ô martyr, dors en paix, dors en paix,
La France pense à toi.

 

On l’a fait fusiller comme un coupable infâme,
Comme s’il eût commis des crimes inouïs,
Ce fier vaillant soldat qui n’avait dans son âme
Que trop d’amour, hélas ! pour son pauvre pays

 

Il est mort glorieux pour le salut du monde,
Comme le Christ est mort par la main des bourreaux.
Mais son sang généreux vivifie et féconde
Le droit de liberté qu’il défendait si haut.

 

La République était son amante adorée,
Pour elle, il a donné sa jeunesse et son sang.
Les Français en émoi, la France déchirée
Pleurent avec nous ce fils, pleurent cet innocent.

 

Adieu, mon fils, adieu. Ton immense infortune
Laisse dans notre cœur un immortel regret.
Mais si le peuple un jour refaisait la Commune,
C’est au nom de Rossel qu’il se soulèverait.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 01:58

Dans mon immeuble, quand une porte est pétée, on remet le code sans réparer le groom.
Dans mon immeuble, quand on fait un trou en plein milieu du hall (pour stopper une fuite de canalisation qui inondait les sous-sols depuis environ une semaine), on se contente de mettre des planches par dessus. Et quand les planches sont pourries et se fissurent, bah on ne rebouche certes pas le trou, mais comme on est magnanime, on remet des planches toutes neuves.
Dans mon immeuble, dès qu'un truc est à moitié réparé, un autre truc se remet à déconner (parce qu'il n'avait été qu'à moitié réparé précédemment).
Dans mon immeuble, quand le voisin du premier étage prenait sa douche, c'étaient les Chutes du Niagara dans le hall. Le jour où un compteur électrique a pris la flotte, on a commencé à songer faire des réparations. On a fait la chose à la va-vite, et puis on a mis du gros scotch autour du compteur. Du scotch avec écrit "Danger de mort", ou un truc comme ça. C'est cool de lire "Danger de mort" à 20 centimètres de ses yeux, quatre fois par jour, en verrouillant ou en déverrouillant sa serrure.

Le scotch a été enlevé au bout d'environ 3 ans, pour laisser place à un compteur flambant neuf. Une lueur d'espoir au milieu de l'obscurité. Oui, de l'obscurité. Parce que depuis quelques temps sévit la "Combo du Bâtiment B" : tantôt les parties communes subissent une totale coupure d'électricité (si possible en hiver, quand les jours sont moins longs et la luminosité déficiente), tantôt elles sont allumées 24h/24 (et la minuterie fait un bruit insupportable).

 

Vraiment, le Vème Sud, c'est trop ghetto...

 

 

Addendum : Je devrais écrire une chanson réaliste sur mon immeuble. Bruant et Damia n'auraient qu'à se rhabiller.

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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 16:26

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ROUSCAILLONS BIGORNE !

 

Leçon n°3 : Un pandore

 

 

Du « condé » au « poulaga », l’arguemuche de la Capitale fourmille de sémillantes allégories à l’endroit des forces du désordre. Le premier sobriquet tire ses origines du prince en charge de la sécurité du royaume, tandis que le second accompagne l’invention combinée du nuggets et de la camionnette de police.

Mais si l’on ne devait garder qu’un « gendarme » argotique, ce serait sans doute le pandore. Dans l’un de ses articles du Cri du Peuple, Henri Verlet dresse les portraits de Mac Mahon, Dupanloup et Thiers sous les traits respectifs de « Pandore, Basile, et Mercadet ». Pourquoi Pandore ? Quelle étrange relation pourrait-on entrevoir entre le gendarme de 1871 et la mythologie grecque ? S’agit-il de cette étrange boîte de Pandore, dont chacun redoute l’ouverture ? Entre l’hellène récipient et l’inquiétant panier à salade, l’analogie est tentante. Seulement voilà : c’est un anachronisme.

Un lacanien décréterait sans doute que dans « Pandore », il y a « Pan ! » et « dors ». En somme, le « Pandore » serait celui qui, d’un coup de flingot, condamnerait ses victimes au sommeil éternel. ‘Sont vraiment cons, ces lacaniens.

 

Gendarme-guignol.jpeg

 

Quant à nous, nous demeurons désespérément inaptes à déterminer l’origine de cette occurrence argotique, car si le pandore est sans doute la manifestation de bien des maux de ce monde, il n’en est pas la source ni la racine. Nous nous contenterons donc de cracher sur l’âme damnée de Mac Mahon en chantant avec Clément, une larme à l'oeil : "Demain les manons, les lorettes / Et les dames des beaux faubourgs / Porteront sur leurs collerettes / Des chassepots et des tambours. / On mettra tout au tricolore / Les plats du jour et les rubans / Pendant que le héros pandore / Fera fusiller nos enfants !"

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 00:15

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ROUSCAILLONS BIGORNE !


Leçon n°2 : Les bacchantes

 

 

 

Ah ! les bacchantes !… ah ! souvenir chamarré du temps où les hommes, humbles mais droits, étaient encore des hommes…

 

Oh ! chères bacchantes ! tantôt douces, tantôt rugueuses !... où vous cachez-vous donc ?

 

Nulle part, hélas ! Votre planque, c’est le néant, depuis que l’on vous coupe, depuis que l’on vous taille, depuis que vous sape la serpe de l’Histoire… Las ! belles bacchantes, vous qui chargiez d’un ombrageux mystère les trognes burinées de nos aïeux, seriez-vous donc indignes de couvrir la face de l’homme moderne ?

 

Non, non, trois fois non !

 

C’est l’homme moderne qui est indigne de vous. Il n’a plus rien à cacher, ce scélérat, cet exhibitionniste fangeux, ce mirliflore jouisseur ! Voyez-le qui vous nargue, le stupre en bandoulière ! Rien à cacher, vous dis-je ! tout doit se voir : pas un bout de sa viande liftée, pas un morceau de ses abats siliconés ne doit échapper aux mirettes de ses congénères imbéciles !

 

Pas de niqab, pas de voile… et pas même quelques poils sur la frimousse de l’éphèbe attardé. Car vous l’aurez compris, les bacchantes, ce sont les moustaches. Et à vrai dire, on ne sait pas vraiment pourquoi : si l’étymon semble évident, l’étymologie l’est franchement moins…


 

Raymond-Domenech-Bacchantes-Moustaches-Antimoderne-Rouscail.jpg

(Raymond Domenech, un héros antimoderne...)

 

 

Alors soyons laruistes ; supputons, subodorons… devinons, foutre !…

 

Pourquoi Bacchus ? peut-être parce que l’ivrogne partage toujours un peu de son breuvage avec ses glorieuses… Avec les rouflaquettes en revanche, nul besoin de partager quoi que ce soit : voilà sans doute pourquoi les bourgeois préféraient Ferry-Famine à l'auguste Blanqui...

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 04:02

Citoyens !

 

V'là un bon bout d'temps que je n'vous ai point donné de nouvelles. Comptez pas sur moi pour m'répandre en excuses et aut' justifications. Et pis t'façons, c'est pas comme si j'vous avais manqué.

 

Il se trouve que ces derniers temps, mes contributions scripturales ont été pour l'essentiel destinées à la presse écrite, beaucoup moins impersonnelle, impalpable, immatérielle — bref, foutrement plus antimoderne — que c'te saloperie d'internet.

 

Hommage soit ainsi rendu au Vantard de la Mouffe et au Père la Purge, ainsi qu'à leurs timoniers respectifs — Prince Roro et Archibald Rappoport — qui me permettent de déverser ma bile dans un cadre sain et structuré (sic).

 

Cependant, la diffusion des journaux susmentionnés ne dépasse guère les frontières du périphérique — voire de mon Quartier béni, s'agissant du Vantard. Dès lors, soucieux de sortir des ténèbres la populace fangeuse que l'éloignement géographique prive de ma prose, j'ai décidé de publier certains de mes articles sur ce blog.

 

Nous commencerons par Rouscaillons Bigorne, une chronique du Vantard rendant hommage à la langue verte de nos aïeux.

 

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ROUSCAILLONS BIGORNE !

 

Leçon n°1 : Le bistro

 Bistro.JPG

  

 

C’est une bien drôle de langue que l’argot parisien : cet idiome est né de rien, il est sorti de nulle part. L’usage linguistique veut que l’on retrace le pedigree de chaque dialecte, comme une application logique de quelque loi abstraite, éternelle, universelle, censée régenter l’évolution sémantique depuis la nuit des temps.

 

A mille lieux des théories des « experts » onanistes et des promoteurs du phrasé scientifique, l’argot parisien fait figure de trublion iconoclaste. Ses sources ? des onomatopées délirantes, des patois de France et d’ailleurs, des trouvailles de comptoirs, des « bons mots » éclos d’esprits féconds, des inventions ubuesques – à l’exemple du loucherbem… et de la poésie, encore et toujours.

 

Cette rubrique aura pour objectif de contribuer humblement à la sauvegarde de ce patrimoine culturel majeur, aujourd’hui en péril face à l’invasion des novlangues mondialisatrices. Et puisque votre Vantard à élu domicile dans la plupart des bons bistros de la Mouffe, quoi de plus naturel que de commencer précisément par ce mot – « bistro » –   aujourd’hui fort répandu ?

 

S’il est un vocable argotique qui demeure extrêmement usité, c’est en effet celui-ci. Son étymologie n’est pourtant pas clairement définie. Les linguistes s’opposent, ils brandissent leurs thèses et sautent sur leurs tabourets en beuglant : « vérité ! vérité ! vérité ! »

 

En bons laruistes du phrasé, nous n’avons que foutre de cette illusoire vérité sémantique ; c’est pourquoi nous retiendrons l’étymon le plus original, la racine la plus amusante.

 

Le 30 mars 1814, Bonaparte prend son ultime branlée aux portes de Paname. Pour la première fois depuis 400 ans, une armée étrangère entre dans Paris. Le Corse abdique – pas Tiberi, l’autre. Les Cosaques, ivres de gloire, veulent dignement fêter leur succès – la dignité puisant sa source dans l’éthyle. Seulement voilà, les pauvres troufions sont interdits de boisson par leur état-major, et il leur faut picoler à la sauvette, et regagner rapidement leur place avant de croiser les regards sévères de leurs gradés.

 

Ils se pressent donc dans les tavernes environnantes et ordonnent aux loufiats « быстро, быстро  ! » – phonétiquement « bistro, bistro ! », c’est-à-dire : « vite, vite ! ». Après s’être ainsi murgés à la hâte, nos braves troupiers rejoignaient cahin-caha leur régiment. Qu’importe le flacon…

 

On notera par ailleurs la quantité de variantes qui ornent l’univers sémantique du « bistro » : « bistroquet », « mastroquet », « troquet », « bistingo »… Comme le symbole d’une langue vivante, vraiment vivante, qui s’enrichit sans cesse par l’usage et la créativité de ses locuteurs – souvent stimulée, il est vrai, par les vapeurs du zinc.

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28 décembre 2010 2 28 /12 /décembre /2010 02:18

[Pour les infortunés qui n'ont pas lu le numéro de décembre du Vantard de la Mouffe, voici la version remaniée de ma contribution mensuelle...]

 

vermersch

Eugène Vermersch - un sacré bougre !

 

 

En attendant qu’éclate la bulle, j’entends ma ville qui se meurt. J’entends les sanglots de ce peuple qui jamais ne renaîtra. J’entends le râle des fusillés, et le murmure de la mort au bas des charniers. J’entends la lente complainte de baladins chevrotants, étreints par la crainte au pied de la potence. J’entends le gibet qui craque. J’entends la Machine qui marche sur l’Homme. J’entends le bris de ses os, tandis que le sang gicle – mais sans rien éclabousser : il n’y a plus de murs à repeindre. Des ruines, des ruines, des friches, et bientôt le verre immonde.

Le vieil Etienne Marcel gémit dans sa tombe. Au Père Lachaise saigne la 97ème ; même le mortier laisse fondre sa sève. Bientôt ils l’auront aussi. Un cimetière ! fort ravissante perspective foncière quand, pour le défendre, il n’y aura plus d’âmes humaines qu’une nuée de fantômes…

Le spectre de Bernanos chuchote à nos oreilles. L’espoir des désespérés, tel est notre sublime fardeau.

Les tripes en miettes,  l’espoir en bandoulière, il nous faudra donc patienter. Patienter encore. En attendant que la bulle éclate.

Et quand éclatera la bulle, quand se réveillera l’ulcère de l’infâme, quand les « artistes » contemporains n’auront plus de pigeons à berner, quand le « bohème » friqué, aux abois, criera grâce sous nos talons, alors nous nous rappellerons les paroles de Vermersch : « Bourgeois, tu mourras tout entier ! / La conciliation, lâche, tu l'as tuée ! / Tes cris ne te sauveront pas ! / Tu vomiras ton âme au crime habituée / En invoquant Thiers et Judas ! »

Il faudra de la haine, messieurs. Oui – de la haine ! Et adoubés par notre auguste pétroleuse, nous clamerons encore avec elle : « La haine est pure comme l'acier, forte comme la hache ; et si l'amour est stérile, vive la haine ! »

 

Le mot d’ordre du Père la Purge fera loi ! Il faudra beaucoup de haine chez les nôtres, quand viendra l’heure de dégorger la bête. Enfin bourreaux, c’est d'un œil impassible que nous fixerons le gibier. Peut-être percerons-nous la crainte entre ses châsses maudites. Peut-être une émotion traversera-t-elle la chose postmoderne ; un premier signe d’humanité pour une ultime confession…

Mais il ne faudra point s’attendrir. Tel est le prix de la liberté, que nos aïeux jamais ne payèrent, que jamais encore nous n’avons payé.

Hardis donc !... Que le sang coule !... Que les têtes sautent !...

Marat ! nous t’en offrirons cent mille, et bien plus encore ! Parole de républicains ! Parole de socialistes !

Parole d’insurgés.

 

 

 

 

 

Las ! en attendant que la bulle éclate, je m'en vais me pieuter.

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Manifeste

Il fut un temps où le coeur du Quartier Latin battait sous les sabots des Communards déchaînés.
Il fut un temps où le Vème Arrondissement de Paris, terreau de toutes les révoltes, était toujours le premier à dresser les barricades.
Il fut un temps où Paul Verlaine s'éteignait miséreux, entouré de prostituées et de bouteilles d'absinthe, dans son taudis de la Rue Descartes.
Il fut un temps où Censier était un repaire de voyous, où le Nord du Boul' Mich' était squaté par les tox.
Il fut un temps où venir de la Mouffe était un gage de crédibilité, quand il fallait sortir les calibres ou les surins.
Il fut surtout un temps où le Peuple du Vème était une plèbe fière et laborieuse.
Il ne reste pas grand chose de ce Peuple, ni de son histoire, ni de sa culture. Depuis plus de trente ans, la gentrification sauvage de Paris a remplacé les vieilles échoppes par des bars lounge, et les boulangeries par des parfumeurs.
Mais en ouvrant l'oeil, ou en écoutant les Anciens, l'on peut encore s'imprégner de l'Esprit des Quartiers de la Sorbonne, du Jardin des Plantes, du Val-de-Grâce et de St-Victor, joyaux d'une cité millénaire qui n'en finit pas de mourir.
Il reste encore quelques Parisiens dignes de ce nom. Ce blog est aussi là pour les défendre, notamment contre l'essor du parisianisme, cette tumeur qui ronge peu à peu les chairs de notre Capitale.

Appelé "tête de veau", "tête de chien", "Parisieng", ou plus simplement "enculé" selon les régions qu'il traverse, le Parisien est une créature incomprise et mal-aimée. Puisse ce modeste blog contribuer à lui rendre ses lettres de noblesse...